Un jardin sauvage est un "oxymore" : les deux termes sont contradictoires voire traditionnellement opposés.

 

En effet, un jardin est par définition un lieu clos aménagé par l'homme pour cultiver des plantes utiles ou d'ornement. Le terme jardin remonte au gallo-roman "hortus gardinus", ce qui signifie littéralement « jardin entouré d'une clôture ». Cette étymologie suggère que le jardin doit être clos pour être protégé de l'extérieur et bien entretenu à l'intérieur.

 

Un jardin entièrement aménagé par l'homme est fondamentalement instable, il nécessite un entretien intense et permanent, il s'agit de domestiquer la nature pour ne produire que des plantes "utiles", en dehors de leur milieu, en les protégeant constamment des agressions extérieures (ravageurs, mauvaises herbes, intempéries...).

 

Par opposition, le terme sauvage signifie étymologiquement "qui vit dans la forêt". Un lieu sauvage est à l'état de liberté naturelle, et n'a pas subi de modification de la part de l'homme.

 

Une telle opposition est-elle nécessaire ?

​

Je pense qu'il est possible de cultiver son jardin avec l'aide de la nature, au lieu de lutter continuellement contre elle. Évidemment, cela demande de mieux connaître les espèces animales et végétales sauvages, de mieux les respecter et de s'intéresser aux équilibres et aux interactions qui existent entre le sol vivant, les plantes et la faune.

​

Bien sûr, il ne s’agit pas de laisser s’étendre une friche inhospitalière et impénétrable dans notre jardin. Ni de se laisser envahir par quelques plantes envahissantes qui coloniseront tout le terrain.

 

Participer à l’émergence d’un jardin sauvage est une tâche subtile, réclamant autant d’observation que d’action, sollicitant nos perceptions et quelques connaissances.

 

Quelques règles simples, des astuces et du temps, voilà tout ce dont on a besoin pour «réensauvager» son jardin.

 

Quelles sont les principes de base des jardins sauvages ?

 

Comme dans tout écosystème stable, on cherchera à ne rien introduire et à ne rien extraire de notre jardin. Il n’entrera aucun produit de traitement, aucun engrais, pas de terreau, ni de terre végétale. Seuls des plants variés, aussi bien pour le potager, le verger que pour l’ornement seront introduits, surtout les premières années (par la suite on privilégiera les semis spontanés).

 

On ne retournera pas le sol (pas de bêchage, pas de labour). On favorisera le travail du sol par les vers de terre et on respectera toute la microfaune du sol.

 

On évitera de laisser la terre nue. Compostage, broyage, paillage seront les clés de la réussite. Ils représentent le recyclage et l’enrichissement permanent du sol vivant.

 

Des abris éparpillés un peu partout, des recoins abandonnés, des tas de pierres et de bois, des sous-bois, des talus, des zones humides, une mare naturelle. Une diversité de plantes si possible indigènes, robustes et locales. Beaucoup de fleurs, des arbustes, des arbres, produisant des baies, du nectar, du pollen. On installera des nichoirs, des abris, des mangeoires. Tout cela attirera naturellement une faune variée d’insectes, de batraciens, d’oiseaux, de chauve-souris, de hérissons, etc... acteurs indispensables pour réguler les ravageurs ou les maladies.

 

On ne cherchera pas à tout contrôler et on laissera la nature s'exprimer.

 

On s’écartera de toute tendance à la monoculture en associant une diversité de plantes, de légumes, de fleurs. On bannira les grandes étendues de gazon stériles, pour privilégier le mélange de cultures, les prairies fleuries et les herbes folles.

 

On préfèrera les allées d’herbes rases ou couvertes d’un paillis de conifères, aux allées gravillonnées, bétonnées ou bitumées.

 

On gèrera toute l’année l’humidité et l’aération de la terre, l’air et l’eau sont indispensables à la vie.

 

Enfin et surtout, on introduira de la fantaisie, du hasard, de l’originalité et des expériences personnelles : « Mon jardin c’est la nature qui me ressemble ». Le jardin est le lien qui nous reconnecte avec notre nature profonde, et il est l'expression de ce que nous sommes. Comme nous sommes tous uniques, nos jardins sont tous différents.